Les sous-d�clarations d'accidents dans le BTP co�tent cher � l'Etat

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Publication : 14 / 06 / 2012
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Selon des t�moignages diffus�s jeudi 13 juin sur France Inter, l'entreprise de b�timent et travaux publics (BTP) Spie Batignolles, l'un des leaders de la construction en France, aurait volontairement dissimul� des cas d'accidents du travail afin de payer moins de cotisations accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) � l'assurance-maladie. Des salari�s se seraient m�me vus refuser une prime apr�s avoir d�clar� des accidents de travail.

Gri�vement br�l� par une d�charge �lectrique sur un chantier en ao�t, Jean-Marc Nankin, interrog� par la radio, affirme que Spie Batignolles n'a pas d�clar� son accident du travail. Un responsable de la s�curit� aurait affirm� � l'inspecteur du travail que le salari� avait tent� de se suicider. Il n'a donc pas b�n�fici� d'une prise en charge compl�te de ses soins, et a d� attendre janvier avant que l'assurance-maladie reconnaisse enfin l'accident comme professionnel.

LES SALARI�S DU BTP "PLUS EXPOS�S" AUX RISQUES D'ACCIDENT

Interrog�e par France Inter, Spie Batignolles a �voqu� "de regrettables exceptions". Depuis plus de dix ans, la soci�t� mise pourtant sur une politique pouss�e de "z�ro accident". Dans un entretien au Monde en 2009, le PDG du groupe, Fran�ois-Xavier Cl�dat, affirmait que "le z�ro accident, c'est possible", ajoutant que "sur certains chantiers (...) aucun accident n'a �t� constat�".

Les t�moignages recueillis par France Inter mettent � mal l'image de la soci�t�, soulevant la question des sous-d�clarations du travail dans un secteur des plus � risques. Selon l'Institut national de recherche et de s�curit� (INRS), le secteur du BTP emploie 9 % des salari�s du r�gime g�n�ral, mais repr�sente 18 % des accidents avec arr�t de travail et 30 % des d�c�s. "Les salari�s du BTP sont, plus que les autres, expos�s � des risques �lev�s d'accidents du travail ou de maladies professionnelles", affirme l'INRS.

En 2010, la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salari�s (CNAMTS) a relev� 115 405 accidents du travail - dont une majorit� de douleurs et lumbago, plaies et contusion -, sur un total de 1 575 557 salari�s. Cette m�me ann�e, 8 299 incapacit�s permanentes et 118 d�c�s ont �t� recens�s. Selon les chiffres de l'organisme professionnel de pr�vention du b�timent et des travaux publics (OPPBTP), un d�c�s a lieu sur un chantier tous les trois jours.

COTISATION EN FONCTION DES D�CLARATIONS

Du fait de risques plus �lev�s, les entreprises du BTP sont donc, en principe, amen�es � payer une cotisation accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) plus importante : selon les r�gles de tarification, le taux de cotisation est fix� "en fonction du risque que pr�sente l'activit� de l'entreprise" et selon "la fr�quence et la gravit� des sinistres dont peuvent �tre victimes ses salari�s". Le taux de cotisation des entreprises du BTP est ainsi deux fois sup�rieur � la moyenne : 4,4 %, contre un taux moyen de 2,2 %, selon l'assurance-maladie.


Dans ce cadre, les entreprises de 200 salari�s et plus - Spie Batignolles, qui compte 8 300 salari�s, en fait partie - sont soumises � un syst�me de tarification individuelle : le taux de cotisation d�pend alors "de la sinistralit� et des r�sultats propres � chaque �tablissement". Il repose directement sur les d�clarations d'accidents du travail des employeurs, contrairement aux plus petites entreprises, soumises � des tarifications mixtes ou collectives, fix�es davantage selon une moyenne par secteur d'activit�.

Pour Fabrice Marion, secr�taire national pour les travaux publics au sein du syndicat FNCB-CFDT, les sous-d�clarations d'accidents du travail "s'amplifient" dans le secteur du BTP, et ce depuis "plusieurs ann�es". "C'est un ph�nom�ne courant dans la profession, et qui ne recule pas, affirme-t-il. Des entreprises ne d�clarent pas les arr�ts de travail et prennent en charge le salaire pour payer moins de cotisations."

"LE SALARI� A L'IMPRESSION D'�TRE GAGNANT"

Interviennent en outre les "primes au z�ro accident", surtout dans les grandes entreprises, pr�cise Fabrice Marion. "Des chefs de chantier vont �tre incit�s � ne pas d�clarer des accidents pour obtenir une prime", explique le responsable syndical. Mais le plus inqui�tant, selon lui, est que les salari�s n'ont pas vraiment conscience des cons�quences de ces pratiques. "L'entreprise s'arrange pour que, dans l'imm�diat, le salari� ait l'impression d'�tre gagnant. Les frais de sant� sont pris en charge, mais par leurs mutuelles, ce qui n'est pas normal en cas d'accident du travail."

En juillet 2011, un rapport de la commission d'�valuation de la sous-d�claration des AT-MP de la Cour des comptes, pr�sid�e par No�l Diricq, a estim� que les sous-d�clarations pourraient co�ter chaque ann�e entre 587 millions et 1,1 milliard d'euros � l'Etat jusqu'en 2014. En effet, en cas de sous-d�claration, les co�ts sont pris en charge par la branche maladie de l'assurance-maladie, financ�e par les employeurs, les salari�s et les contribuables via la contribution sociale g�n�ralis�e (CSG). Alors que ces d�penses pourraient n'�tre affect�es qu'� la branche risques professionnels qui, elle, est financ�e uniquement par les cotisations des employeurs.

Interrog�es sur ces sous-d�clarations dans le BTP, Marisol Touraine a admis, jeudi 13 juin, au micro de France Inter qu'il s'agissait d'"un ph�nom�ne que nous connaissons bien, et qui est pr�occupant". La ministre des affaires sociales et de la sant� a promis que la lutte contre les sous-d�clarations des accidents du travail, "qui co�tent beaucoup d'argent � l'assurance-maladie", seraient "un chantier que nous allons poursuivre" au gouvernement.




Source Le Monde.fr